Que donner le sein soit un choix libre et éclairé

C’est le but du Forum européen pour l’allaitement maternel proposé au grand public et aux spécialistes le 12 octobre 2024 à Nice par l’association azuréenne Mum Mood

Pourquoi donner le sein ? Comment faire ? Quels en sont les bienfaits ? Comment en éviter les inconvénients ? De plus en plus de femmes souhaitent profiter de ce moment privilégié avec leur enfant, malgré la fatigue et les contraintes que cela représente. « C’est leur choix » souligne l’association azuréenne Mum Mood. Pour répondre à leurs interrogations, elle organise ce 12 octobre 2024 à Nice son deuxième forum de l’allaitement maternel, destiné au grand public et aux professionnels de santé, avec des spécialistes et des ateliers.
Des spécialistes reconnus
L’événement, qui se veut européen, verra intervenir des conférencières et conférenciers de France et de pays étrangers, comme Ragnar Weissmann, doc-

-teur ès-sciences spécialisé dans les virus, les microbes et la flore intestinale ; la docteure Mélissa Mialon, chercheuse en Irlande ; ou Dominique Leyronnas, pédiatre néonatalogiste.
Un forum d’échanges public-spécialistes
« C’est un forum d’échanges avec le grand public et les professionnels, et pas un simple salon », insiste Céline Bourganeuf, présidente-fondatrice de Mum Mood, infirmièrepuéricultrice, mais aussi présidente de l’association française des consultantes en lactation. Il se déroule dans le cadre dela Semaine mondiale de l’allaitement maternel programmée du 14 au 20 octobre 2024. « C’est une occasion unique de réunir des scientifiques de l’allaitement, des associations gravitant autour de l’allaitement, de l’art photographique, des créateurs, des marques et des familles pour échanger sur l’allaitement maternel ».
Le droit de donner le sein en public
Le droit des femmes à allaiter en public, souvent non respecté, sera l’un des sujets abordés. Mum Mood a organisé deux allaitements collectifs en public les 12 juin et 14 septembre derniers dans deux lieux très fréquentés et emblématiques de Nice. Ces événements visaient à faire appliquer ce droit, et à soutenir les femmes priées d’aller donner le sein ailleurs, comme Anaïs à Toulon fin juillet. (lire ci-dessous)

Un concert et une expo
Ce forum proposera aussi des ateliers, notamment sur l’allaitement, sur les cercles de femmes, sur le baby blues après l’accouchement, sur l’art et le développement émotionnel des enfants… Une vingtaine de stands accueilleront les visiteuses et visiteurs qui pourront venir en famille et bénéficieront d’une expo photo et d’un concert vocal de jazz donné par le Behia Jazz Trio composé de la chanteuse Behia , de l’organiste Jean-Baptiste Bolazzi et du percussionniste André Guiglion.

La chanteuse Behia accompagnée par Jean-Baptiste Bolazzi et André Guiglion. (Photos Mum Mood/Envie de shoot et site Internet https://www.behiajazz.com/)

Forum européen de l’allaitement maternel, le 12 octobre 2024 à l’hôtel Anandara, 12 avenue de Verdun à Nice, dans le cadre de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel programmée du 14 au 20 octobre 2024. Entrée simple : prix libre, accès aux conférences 49 euros. Informations et inscriptions sur https://mummood.com/

L’association Mum Mood

Infirmière puéricultrice en réanimation néonatale, Céline Bourganeuf lance en 2022 avec deux amies un salon Mama Bella sur la maternité près de Nice. Elle y rencontre Sandrine Léon qui y représente la Coordination française pour l’allaitement maternel (COFAM).
« La même année, on a créé ensemble l’association Mum Mood et on a organisé en 2023 notre premier forum sur l’allaitement ».
L’association, qui compte une trentaine d’adhérentes, organise aussi des journées cocooning et des ateliers bien-être avec des professionnels de la périnatalité.
Objectif : informer, protéger, accompagner,

sensibiliser, soutenir l’allaitement pour les spécialistes et les familles, et faire l’interface entre eux.
Lors de la présentation de l’événement par l’équipe de Mum Mood. La présidente-fondatrice Céline Bourganeuf est juste à côté de l’affiche du forum. (Photo L.Q.)

Des happenings et des actions pour pouvoir donner le sein partout

Aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de donner le sein dans les lieux publics. Pour faire respecter ce droit, à l’appel de l’association azuréenne Mum Mood, sept jeunes mères ont donné le sein à leur enfant ce samedi matin 14 septembre 2024, parmi les promeneurs, dans un des lieux les plus fréquentés de Nice, sur le bord de mer, à Rauba Capeu, devant l’inscription géante « I love Nice ». Plusieurs étaient venues avec le père de leur enfant. Les pères ont eux aussi leur rôle à jouer dans la nutrition de leur bébé.
Trois mois auparavant, le 12 juin dernier, une douzaine d’entre elles avaient donné le

sein collectivement sur la Coulée verte, autre endroit emblématique et très fréquenté de la Nice, au pied de la célèbre réplique de la statue du David de Michel Ange. « Une statue d’homme nu au milieu d’un parc public, ça ne semble choquer personne, pourquoi les femmes allaitantes devraient-elles renoncer à y donner le sein ou se cacher ? »
Pétitions sur Internet, brelfies, campagne d’images…
Des pétitions sur Internet récoltent des dizaines de milliers de signatures. Les allaitements collectifs en public se multiplient un peu partout en France. Les « brelfies » (selfies d’allaitement) de stars et d’inconnues foisonnent sur les réseaux sociaux, souvent sur des groupes dédiés. Et en 2022, la campagne de sur-couvertures de magazines en trompe-l’œil transformant chaque lectrice et chaque lecteur en personne allaitante, lancée par l’agence de relations publiques Weber Shandwick Paris, avait fait un tabac.
Pétition : https://www.change.org/p/normalisons-et-prot%C3%A9geons-l-allaitement-dans-l-espace-public-en-france

Photo : Allaitement collectif organisé par l’association Mum Mood le 14 septembre 2024 devant l’inscription géante « I love Nice » en bord de mer. (Cliché L.Q.)

Faire appliquer le droit à l’allaitement maternel en public

L’allaitement maternel dans les lieux publics est un droit, mais il dérange et suscite souvent des réactions négatives, parfois violentes verbalement ou même physiquement. Plusieurs affaires ont ému l’opinion publique.
Des entraves répétées
En 2021, une mère qui allaitait dans la rue à Bordeaux avait été insultée et giflée par une passante plus âgée, et une autre femme s’était vu demander d’arrêter de donner le sein sur un banc de Disneyland Paris par une agente et un agent du parc d’attractions. En 2022, un agent de sécurité du musée du Louvre a demandé à une mère d’allaiter son bébé dans les toilettes, et

l’allaitement de son bébé par une femme avait été interrompu par une employée dans une bibliothèque municipale de Nice. En juillet 2024, une maman avait été priée d’aller donner le sein ailleurs par un employé dans une piscine municipale de Toulon.
Les structures concernées avaient présenté leurs excuses, mais 17% des Françaises allaitantes ou ayant allaité affirment avoir été l’objet de critiques, selon une étude Lansinoh de juin 2021*.
« Les mères qui donne le sein ne dégrafent pas leur soutien-gorge par plaisir »
Les reproches invoquent souvent « l’exhibition sexuelle ». Imposer l’exposition de ses parties sexuelles à la vue d’autrui dans un lieu accessible au public est passible d’ un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par l’article 222-32 du code pénal français. Les seins peuvent être source de plaisir sexuel, mais l’allaitement d’un enfant ne peut pas être considéré comme un acte d’exhibition sexuelle. « Les mères qui donne le sein ne dégrafent pas leur soutien-gorge par plaisir », souligne Mum Mood.
Des propositions de loi pour sanctionner pénalement les entraves
Afin de mettre fin aux polémiques, une trentaine de membres de l’Assemblée nationale, dont la députée Laurence Trastourt-Isnart élue dans les Alpes-Maritimes, ont proposé dès mars 2021 d’inscrire dans l’article 222-32 du code pénal que « N’est pas constitutif de l’infraction prévue au premier alinéa le fait d’allaiter un enfant dans un lieu public ». Et que « Le fait d’interdire ou de tenter d’interdire l’allaitement d’un enfant dans un lieu public est puni de 1 500 euros d’amende. »
Les grandes lignes de cette proposition de loi ont été reprises en juin 2021 par la députée LREM Fiona Lazaar, puis par une quinzaine de députés de la Droite républicaine en octobre 2023, dont Christelle d’Intorni, élue dans les Alpes-Maritimes.
Les textes qui facilitent l’allaitement au travail doivent également être respectés.

*auprès d’un panel de 737 mamans ayant choisi d’allaiter leur enfant.

Photo : Allaitement collectif organisé par l’association Mum Mood le 12 juin 2024 sur la Coulée verte de Nice au pied de la statue d’un homme nu (la reproduction de la sculpture « David » de Michel-Ange). (Cliché Philippe Déjardin)

L’allaitement maternel

Les bienfaits de l’allaitement maternel sont nombreux, bien établis scientifiquement et connus du grand public. Ses inconvénients aussi (fatigue de l’allaitement à la demande et de la durée des premières tétées, risques de gerçures, difficultés de montée de lait, nécessité de bien vider ses seins, fuites de lait…), mais le biberon comporte également des désavantages.
« Nous ne voyons pas le lait artificiel comme un ennemi, il sauve des vies dans certains cas. Mais nous sommes pour le libre choix des mères, sans qu’elles subissent de pressions pour ou contre l’allaitement. Il est temps d’éduquer », explique-t-on à Mum Mood.

Peu de mères d’aujourd’hui ont été allaitées par leur propre mère en raison de l’évolution de la société. Les grossesses accélèrent le vieillissement, mais donner le sein le ralentit.
« Une expression privilégiée de la féminité »
Malgré les inconvénients de l’allaitement, beaucoup de femmes voient l’allaitement au sein comme une expression privilégiée de leur féminité, un rapport unique avec leur enfant, et la source de multiples joies et bienfaits pour elles comme pour lui.
Des possibilités méconnues
La nature offre d’ailleurs des ressources insoupçonnées. Il est par exemple possible de « relacter », c’est-à-dire reprendre l’allaitement après un arrêt précoce ou un sevrage datant au plus de six mois. Un bébé peut même être allaité par une femme qui ne vient pas d’accoucher, par exemple une adoptante ou la compagne de la mère, et même une femme en pré-ménopause ou ménopausée, ou encore dans l’impossibilité d’avoir un enfant, ayant subi ou non une hystérectomie (retrait de l’utérus). Les deux hormones principalement impliquées dans la lactation sont la prolactine (qui développe la glande mammaire et permet de produire le lait) et l’ocytocine (qui favorise notamment l’éjection du lait). Ces deux hormones sont produites par l’hypophyse mais pas uniquement lors d’une grossesse.

Photo : Donner le sein fatigue et n’est pas toujours facile. Un apprentissage et des conseils permettent d’en limiter les inconvénients. (Cliché libre de droits Pexels/Helena Jankovičová Kováčová)

Le choix de préférer le biberon

Le lait maternel n’est pas du goût de tout le monde. Simone de Beauvoir, autrice de l’ouvrage-phare « Le deuxième sexe », voyait l’allaitement comme « une servitude épuisante », « menaçant la chair, la liberté, le moi tout entier » des femmes, « au détriment de leur propre vigueur », en ne leur apportant « aucune joie », mais « au contraire (…) des seins crevassés, des glandes douloureuses ».
« Culpabilisation » et « diktat de l’allaitement au sein »
Dans son livre Fausse route (2003), puis dans Le Conflit ; la femme et la mère ( 2010), Elisabeth Badinter dénonçait « la nouvelle culpabilisation des mères » soumises au « devoir d’allaitement », et regrettait : « Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé de l’ONU lance ses recommandations qui deviennent des directives européennes, et la Leche League prend les mères en main ». Une mise en garde qui est aussi celles de féministes d’aujourd’hui comme Titiou Lecoq qui a dénoncé « Le diktat de l’allaitement au sein » dans Slate, ou comme Corinne Maier, qui appelait les femmes à ne pas se « transformer en biberon ambulant » dans son livre « No kid » paru en 2007.
Le lait humain pas exempt de produits chimiques ingérés par les mères
Aujourd’hui, le lait humain n’est plus non plus la parade absolue contre l’ingestion de substances chimiques plus ou moins toxiques par les bébés. Avec la pollution devenue omniprésente, le corps et les seins maternels n’en sont en effet pas exempts.

Allaiter quand on travaille : encore trop souvent une galère


Donner le sein quand on travaille demeure assez aléatoire. La réglementation française permet aux salariées d’interrompre leur travail pour donner le sein à leur enfant une heure par jour : 30 minutes durant le travail du matin, et 30 minutes durant l’après-midi, deux fois 20 minutes seulement si l’employeur met à disposition des salariées un local dédié à l’allaitement, à l’intérieur ou proche des locaux de travail. Ces pauses ne sont pas rétribuées, sauf dispositions conventionnelles.
Dans les entreprise de moins de 100 salariés, l’employeur n’a pas l’obligation de mettre à disposition un local pour l’allaitement, mais la salariée doit pouvoir se reposer convenablement en position allongée. Au-delà de 100 salariés, l’employeur peut être mis en demeure par l’inspection du travail d’installer un local dédié dans son établissement ou à proximité, qui doit répondre à un certain nombre de critères. Il n’y a pas de congé spécifique pour qu’une salariée puisse allaiter son enfant après son congé maternité, sauf dispositions conventionnelles.
Le Code du travail n’indique pas si un employé peut emmener son enfant sur son lieu de travail, c’est le règlement intérieur qui peut restreindre cette possibilité. Les règlements intérieurs limitent la plupart du temps les locaux à un usage professionnel , ce qui exclut les tiers sauf accord de l’employeur. La présence d’enfants peut notamment poser des problèmes de sécurité, d’assurance et d’image de l’entreprise.
Il existe assez peu de crèches d’entreprise, et elles sont la plupart du temps plus coûteuses que les autres crèches.

Un article est aussi paru sur le magazine 50-50 : https://www.50-50magazine.fr/2024/10/03/que-lallaitement-soit-un-choix-vraiment-libre-pour-les-femmes/