Expos d'art : Nice à l'heure italienne

Vita Nuova, l’art en Italie 1960-1975 au Mamac

Les artistes italiens et italiennes des années 1960 à 1975 présentés dans l’expo « Vita nuova » au Mamac de Nice revisitent la florissante société industrielle et de consommation, bientôt déchirée par les terribles attentats des années de plomb. Prenant conscience des excès de la société de consommation, transpire alors également jour une soif du retour à la nature (la « reconstruction de la nature » comme l’appelait Pino Pascali). Les artistes italiens et italiennes réintroduisent cette dernière dans les bâtiments, parfois de manière surprenante avec des matériaux industriels et synthétiques. Elles et ils revisitent aussi le corps, à commencer par celui de la femme mais pas seulement. A travers les travestis, Lisetta Carmi pose ainsi un regard précurseur sur la question du genre et de la prostitution.

Société, nature et corps, ce sont les trois chapitres retenus par la commissaire de l’exposition, Valérie Da Costa, spécialiste et amoureuse de l’art italiena choisi pour présenter les quelque 120 œuvres d’une soixantaine d’artistes collectées pour l’événement.
Il s’agit bien d’un véritable événement puisque l’exposition de référence sur ce sujet remonte à quarante ans, au centre Pompidou à Paris : « Identité italienne, l’art en Italie depuis 1959 », organisée en 1981 par Germano Celant, critique d’art italien a qui l’on doit l’expression « Arte Povera », un terme qui qualifie la plupart des œuvres les plus connues des arts plastiques transalpins de cette époque.
Comment est née l’expo
« Depuis mon arrivée ici, j’avais envie d’un grand projet sur l’Italie, ça me semblait naturel, explique Hélène Guénin, directrice du Mamac (Musée d’art moderne et contemporain de Nice). J’ai rencontré Valérie Da Costa qui avait elle aussi cette envie depuis très longtemps. 56 artistes exposés, dont beaucoup de femmes, 120 œuvres dont la moitié encore jamais montrées en France. Depuis quelques années au Mamac, nous menons une relecture des années 60-70. L’exposition Les amazones du pop en est un exemple, dont le succès lui vaut d’être présentée à l’étranger ».

Le Mamac compte dans ses collections environ 1500 œuvres de plus de 300 artistes du monde entier, reflet de la création artistique de la fin des années 1950 à aujourd’hui, mais le coeur de ses collections se situe dans les années 1960 et 1970.
« La contribution des artistes italien.ne.s à l’histoire de ces soixante dernières années est paradoxalement insuffisamment mise en lumière », estime Hélène Guénin. Pas seulement à Rome, mais autour de plusieurs autres grandes villes italiennes également pôles intellectuels… une régionalisation ou  « archipélisation qui contraste avec la centralité extrême de la scène française d’alors, tout juste contredite par la singularité de l’aventure niçoise ».
Centenaire Pasolini
2022 est également l’année du centenaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini, cinéaste majeur de cette période que l’on retrouve à plusieurs reprises en arpentant l’expo. Le cinéma italien florissant de l’époque avait alors été rejoint par la télévision, devenue elle aussi un moyen de diffusion de masse, comme en témoignent notamment les paysages télévisuels de Mario Schifano.

Le siège« Pratone » de Giorgio Ceretti, Pietro Derossi et Riccardo  Rosso (1971)

Hélène Guénin, directrice du Mamc et Valérie Da Costa, commissaire de l’expo

« Marylin, le mythe d’une époque », de Mimmo Rotella

Lucia Marcuccci au Mamac jusqu'au 28 août 2022

Cet été, le Mamac a choisi de consacrer deux expositions à l’art italien contemporain. A côté de la grande exposition Vita Nuova, il en propose une autre, consacrée à une seule artiste féminine transalpine : Lucia Marcucci, dont c’est la première exposition personnelle en France. En contrepoint de ses œuvres des années 1970, où elle était devenue connue, sont exposées ses travaux les plus récents, ceux des années 2000. On peut constater que les collages de l’artiste n’ont pas perdu leur mordant ni leur humour. Ses collages sot faits d’images et de mots tirés des mass médias pour dénoncer les problèmes de l’époque, et notamment le machisme ambiant de la société.

Lucia Marcucci dans une vidéo des années 2010

« Our Lady », une des oeuvres de Lucia Marcucci

Olivier Bergesi, du Mamac, commissaire de l’expo

L'art italien depuis les années 1990 à la Villa Arson

La Villa Arson, école des beaux-arts de Nice, expose de son côté la génération une vingtaine d’artistes italiens ayant émergé dans les années 1990 jusqu’à la génération actuelle. On peut trouver la liste et la présentation des artistes sur la « feuille de salle » sur le site Internet d’Arson.

Le commissaire d’exposition
Le commissaire d’exposition est Marco Scotini directeur artistique du FM Centro per l’Arte Contemporanea de Milan, spécialisé dans la mise en valeur des collections privées, des archives d’artistes et la promotion de l’art contemporain. Depuis 2004, il est directeur du département des arts visuels de la NABA (Nouvelle Académie des Beaux-Arts) à Milan et à Rome. 
Pourquoi ce titre ?
« Cette scène artistique se définit par le désarroi causé par le retrait officiel de la vague révolutionnaire et créative des années 1970 et par la nécessité de laisser émerger (quand il ne s’agit pas de récupérer) ce qui lui a été enlevé depuis les années 1980 par la réaction idéologique et néolibérale», « passé qu’aucun des artistes de l’exposition n’a vécu personnellement mais dont ils entendent être les témoins ».
Les thématiques
L’ensemble de l’exposition suit un développement thématique parallèle à l’émergence – depuis les années 1990 et à l’échelle internationale – de l’Italian Radical Thought, la pensée radicale italienne de Paolo Virno, Giorgio Agamben, Maurizio Lazzarato, Silvia Federici, Antonio Negri, Christian Marazzi et Franco Berardi Bifo, dans sa façon de s’établir, entre les années 1970 et le présent, et dans sa façon de se situer en France. L’expo offre aussi l’opportunité de revenir sur les échanges fondamentaux entre les scènes culturelles italienne et française avec, entre autres, Michel Foucault, Gilles Deleuze et Felix Guattari.
Infos pratiques : ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 14h à 18h puis de 14h à 19h à partir du 1er juillet. Entrée libre. 20 avenue Stephen Liégeard à Nice, tél. 04.92.07.73.73. www.villa-arson.fr